Seuls les livres nous liaient. Ma mère les dévorait, comme moi, chacune dans son coin. Et quand je voulais me rapprocher d’elle en évitant les sujets qui fâchaient, je lui proposais qu’on échange les derniers romans qui nous avaient plu. On se laissait quelques semaines et on se rappelait pour commenter. Les histoires n’étaient bien sûr jamais prises au hasard. Nous comprenions les messages que véhiculaient ces héroïnes mourant de vanité, celles que leur orgueil empêchait de vivre, celles encore qui devaient tout quitter pour pouvoir être elles-mêmes… Nous défendions nos ambassadrices. Les arguments n’étaient pas toujours convaincants, mais c’était notre point de rencontre. Sarah Barukh « Envole-moi » Albin Michel, 238-239
(Photo: Galerie Bortier, Bruxelles)